Santé au travail des femmes │ Prévenir et agir

8 mars 2024

Le 8 mars dernier se tenait la Journée internationale des droits des femmes. À cette occasion, le Comité régional d’orientation des conditions de travail (CROCT) et la DREETS Grand Est ont organisé un colloque autour de la santé au travail des femmes.

Une étude de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) met en lumière des impacts différenciés du travail sur la santé des femmes et sur celle des hommes. Des améliorations sont nécessaires en termes d’organisation du travail et de prévention pour répondre davantage aux besoins différenciés et aux postes des femmes et des hommes.

Ce colloque a permis aux différents intervenants de partager leur expertise et d’échanger à ce sujet : Florence Chappert (responsable de la mission égalité intégrée, ANACT), Patrice Adam (professeur de droit, université de Lorraine), Christelle Chambarlhac (directrice du travail, direction générale du travail), Agnès Aublet-Cuvelier (adjointe au directeur des études et recherches, INRS), Karen Messing (professeure émérite, université du Québec à Montréal).

Rapports sociaux de genre et inégalités

Juridiquement, les femmes ont le même statut que tous les autres travailleurs. Dès lors, il est de la responsabilité des employeurs de prendre en compte ces facteurs de genre dans leur appréhension des problèmes de santé au travail et d’instaurer une politique adéquate. L’ensemble des acteurs de chaque entreprise présents à ce colloque, et notamment les représentants du personnel, ont été invités par les intervenants à réfléchir sur ces questions et à proposer des pistes d’amélioration.

Les échanges ont également permis d’interroger les rapports sociaux de genre dans le monde professionnel, et notamment les inégalités qui ont une incidence directe sur la santé au travail.

Une situation dégradée depuis 2001

L’étude de l’ANACT formule les constats suivants :
 

  • La baisse globale des accidents de travail depuis 2001 masque la hausse des accidents de travail pour les femmes ;
  • Les maladies professionnelles progressent deux fois plus rapidement pour les femmes que pour les hommes depuis 2001 ;
  • Les accidents de trajet avec arrêt sont stables pour les hommes en progression nette pour les femmes depuis 2001 ;
  • La prise en compte de « l’impact différencié à l’exposition au risque en fonction du sexe ».

Ces préoccupations concernent tous les secteurs d’activité, appelant de nouvelles mesures plus adaptées en matière de santé au travail des femmes.

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Florence Chappert : Le sujet de la santé au travail des femmes, ce n’est pas un effet de mode.
On a révélé récemment effectivement que le travail n’a pas les mêmes impacts sur la santé des femmes et des hommes et donc qu’il faut adapter désormais l’organisation du travail, la prévention aux besoins et aux postes des femmes et des hommes.

Patrick Adam : Juridiquement, elles sont traitées finalement comme des travailleurs comme les autres alors qu’elles ne le sont pas et qu’il faut absolument à la fois que les employeurs adoptent une politique genrée de prévention, et que le droit a son rôle à jouer, c’est-à-dire qu’il faut sans doute qu’il y ait un renforcement des obligations qui pèsent sur les entreprises pour inciter, favoriser, encourager, voire imposer la prise en compte genrée des problèmes de santé au travail.

Christelle Chambarlhac : L’existence des comportements sexistes, des agissements sexistes et des faits de harcèlement sexuel nécessite quand même une prise de conscience collective des acteurs de l’entreprise, des employeurs mais aussi des représentants du personnel, et donc une nécessité que chacun connaisse et se forme à ce type d’agissements pour pouvoir ensuite les prévenir, les empêcher, les sanctionner.

Agnès Aublet-Cuvelier : On a un travail important à faire d’analyse, d’exploitation, de mise en commun et de travail en interdisciplinarité avec les préventeurs mais aussi du côté de la recherche pour faire avancer ces questions de prévention de la santé des femmes et des hommes au travail.

Karen Messing : Je pense qu’il faut surtout s’intéresser à la question des rapports sociaux de genre à articuler avec la question de la santé au travail et surtout les inégalités sociales qui existent, qui ont un rapport direct avec la santé au travail. Être éveillé quand on regarde quelqu’un travailler, et à ce qu’il peut arriver à cette personne-là et comment la personne peut appréhender aussi ce qui lui arrive, et c’est quoi ses possibilités de défense contre les mauvaises choses qui peuvent lui arriver au travail.

Florence Chappert : Ce qu’on peut souhaiter, c’est que les partenaires sociaux s’emparent de ces sujets. Quand je parle des partenaires sociaux dans les entreprises, au niveau du dialogue social, aussi bien les représentants du personnel que les directions. En faire l’objet d’un dialogue sans tabou. Parce qu’en France, on est encore dans une vision idéaliste de l’égalité au sens de l’égalitarisme. Or, toute chose n’est pas égale par ailleurs. Oui, les femmes et les hommes ne sont pas dans les mêmes situations et conditions de travail.

Christelle Chambarlhac : Aujourd’hui, il y a encore beaucoup de travail à faire. Effectivement, les accords d’égalité professionnelle qu’on voit dans les entreprises, ils sont souvent insuffisants mais j’ai envie de dire que c’est un début. Et en tous cas, les choses progressent.