Discours | Projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel au Sénat

10 juillet 2018

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Président, Cher Alain Millon
Monsieur le Président de la Commission des affaires sociales,
Mesdames, Messieurs les rapporteurs,
• Michel Forissier
• Catherine Fournier
• Frédérique Puissat
• Philippe Mouiller
Monsieur le rapporteur pour avis
Mesdames, Messieurs les Sénateurs,

“Le présent serait plein de tous les avenirs, si le passé n’y projetait déjà une histoire.”

Cette citation d’André Gide constitue, à mon sens, une invitation à interroger les systèmes établis, à dépasser les inclinaisons conservatrices, pour ne pas restreindre le champ des possibles, qu’ils soient individuels ou collectifs.
C’est au fond une invitation à l’audace, c’est-à-dire à transformer le réel pour se donner les moyens de saisir toutes les potentialités des mutations à venir, non seulement pour ne pas les subir, mais pour choisir notre avenir individuel et collectif.

Il s’agit d’une aspiration profonde de nos concitoyens - jeunes, actifs, entrepreneurs - et à raison, car aujourd’hui le passé surdétermine pour beaucoup le présent, et borne l’avenir, notamment en matière d’emploi.

L’obstacle principal, celui qui permet au passé de « projeter une histoire », c’est la résignation pour tous face aux déterminismes.
Car, oui aujourd’hui le passé – individuel - c’est-à-dire l’inégalité d’origine, de naissance ou de chance - mais aussi collectif, c’est à dire les décisions politiques prises dans un autre contexte – ce passé déteint durablement sur le présent. Il imprime en filigrane sur l’avenir l’assignation à résidence, l’assignation au chômage, aux inégalités, à l’exclusion de nombreux de nos concitoyens.

Face à ce constat, devons-nous faire perdurer des systèmes, qui faute d’adaptation et d’anticipation des bouleversements technologiques, numériques, économiques, sociaux, deviennent inopérants et entament la promesse républicaine d’émancipation sociale ?

La réponse est négative. Y remédier c’est le sens de la rénovation profonde de notre modèle social, sur laquelle s’est engagée le Président de la République.
• Avec l’acte I, les ordonnances pour le renforcement du dialogue social, nous avons fait le pari de la confiance dans les acteurs avec les partenaires sociaux, pour faire converger de façon réactive au plus près du terrain dans les entreprises et les branches, par la décentralisation du dialogue social, l’impératif de performance économique avec celui de progrès social.
• Mais rénover le modèle social ne peut se résumer à conforter la croissance en donnant plus d’agilité aux entreprises. Nous devons la rendre riche en emplois et plus inclusive. Il est essentiel de ne laisser personne au bord du chemin. Or, notre croissance butte aujourd’hui sur la limitation des compétences.

C’est le sens de l’acte II que constitue le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Il porte l’ambition de l’émancipation sociale par le travail et la formation.
• Dans un monde où 50% des emplois seront profondément transformés dans les dix ans à venir, l’enjeu et la clé de l’inclusion, c’est d’établir un accès plus simple, plus rapide, plus vaste, et plus juste à l’atout majeur du XXIe siècle : les compétences.
C’est un triple défi économique, social, mais aussi territorial.
• Car agir pour que tout le monde puisse monter à bord du train de la croissance est essentiel au dynamisme et à l’attractivité de nos territoires qui évoluent dans un contexte concurrentiel national et international.
• Ce dynamisme ne se décrète pas artificiellement,
o Il nécessite un investissement important dans les compétences.

C’est le sens du Plan d’Investissement dans les Compétences. Doté d’un montant de 15 milliards d’euros sur 5 ans, il va permettre de former et d’accompagner un million de demandeurs d’emploi peu qualifiés et un million de jeunes décrocheurs à l’horizon 2022. Il se réalise à travers un partenariat ambitieux avec les Régions et des actions innovantes notamment dans le secteur numérique, la transition écologique, les métiers en tension, et l’inclusion dans l’emploi des plus vulnérables.

o Surtout, ce dynamisme des territoires s’incarne en mettant les acteurs (entreprises/actifs/jeunes) au cœur des formidables leviers d’accès aux compétences que sont l’apprentissage et la formation professionnelle

C’est l’objet du projet de loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel » que j’ai l’honneur de porter au nom du Gouvernement.

• Ce projet de loi est le fruit d’un important travail interministériel avec, chacun pour ce qui le concerne, Jean-Michel Blanquer, Ministre de l’Éducation Nationale et Frédérique Vidal, Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation ; Sophie Cluzel, Secrétaire d’État en charge du handicap ; Marlène Schiappa, Secrétaire d’État à l’Égalité entre les Femmes et les Hommes ; et Olivier Dussopt, Secrétaire d’État en charge de la Fonction publique.

Ce projet de loi est aussi le fruit de sept mois de concertations et de négociations, deux accords interprofessionnels conclus entre partenaires sociaux sur la formation professionnelle et sur l’assurance chômage, et de trois processus de concertation approfondie sur l’apprentissage, sur l’égalité entre les femmes et les hommes et le harcèlement sexuel, et sur l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap. Je voudrais saluer ici le travail intense des partenaires sociaux.
• Ces concertations de grande ampleur ont été complétées par plus d’une cinquantaine de visites et d’échanges avec des acteurs de terrain.
Ma conviction, c’est qu’il faut toujours partir du terrain et des personnes pour reconstruire les systèmes, et donner à nos concitoyens les moyens de répondre à leurs aspirations.

Aussi ce projet de loi, enrichi à l’Assemblée Nationale et « recentré » ici pour citer le rapport de la commission des affaires sociales, s’articule autour de trois axes interdépendants et cohérents :
I. Le premier : c’est la création de nouveaux droits, concrets, facilement mobilisables, et adaptés à notre temps, capables de constituer une véritable protection professionnelle, universelle, simple et efficace, au service de l’émancipation individuelle et collective.
II. L’effectivité de ces droits pour le plus grand nombre nécessite de lever de nombreux verrous administratifs, réglementaires et financiers. C’est le 2e axe de notre action.
III. Enfin, l’ambition des deux premiers axes ne saurait être pleinement satisfaite, si elle n’était guidée par l’impératif d’égalité des chances, d’égalité des possibles. C’est notre 3e axe.

I. Nous créons de nouveaux droits concrets qui donneront à nos concitoyens la possibilité de choisir librement les voies de développement de leur potentiel professionnel

Pour commencer en matière d’apprentissage, cette liberté requiert d’abord que les jeunes et leurs familles connaissent enfin la vérité sur cette voie de réussite, d’excellence et de passion, dont bénéficient seulement 420 000 apprentis, soit seulement 7% des jeunes de 16 à 26 ans, en raison d’un système aujourd’hui malthusien. J’aurais l’occasion d’y revenir.
Ce droit à la vérité en matière d’orientation, nous le garantissons de deux façons complémentaires :
En instaurant la transparence du taux d’insertion dans l’emploi, du taux de réussite aux diplômes de tous les CFA et de tous les lycées professionnels.
En élargissant la compétence des Régions en matière d’orientation. Elles organiseront ainsi avec tous les collèges et lycées une découverte des filières et métiers par la rencontre de professionnels qui viendront parler de leur passion.

Vous avez d’ailleurs souhaité instaurer dans la loi un quota d’heures dédiées (20h/an) sur le temps scolaire en 4°et en 3°. De même vous avez ouvert le contenu de la formation initiale et continue des enseignants, aux métiers et au monde économique.

Ce droit à l’information, essentiel à l’orientation, est complété par des mesures renforcer l’attractivité de cette voie de formation initiale.
• Cela passe par l’augmentation de la rémunération des apprentis. Vous avez choisi d’ailleurs en commission de supprimer le critère d’âge. Si cette modification peut apparaître comme attractive, sa disparition risque de faire beaucoup de perdants parmi les apprentis majeurs, et cette option n’a pas été retenue par les partenaires sociaux. C’est pourquoi j’y suis défavorable.
• Par ailleurs, nous prévoyons une aide de 500 euros pour le permis de conduire.
• Ils auront aussi la possibilité d’entrer tout au long de l’année en apprentissage, et de faire valoir leurs acquis pour raccourcir la durée de la formation ou, au contraire, en cas de difficulté, l’augmenter avec une «  prépa apprentissage », financée par le PIC.
• Par ailleurs, je salue votre proposition d’associer les maîtres d’apprentissage au jury d’examen des apprentis.
• En outre, pour répondre aux besoins différents et en évolution permanente des jeunes, nous voulons introduire un esprit de complémentarité entre apprentissage et statut scolaire, entre les formes pédagogiques via des passerelles et les campus des métiers regroupant toutes les filières.
De même, nous allons développer «  l’Erasmus pro » en complétant les dispositions que vous aviez adoptées lors de la ratification des ordonnances pour le renforcement du dialogue social.
• Enfin, à titre expérimental, il sera possible dans les outre-mer d’exécuter une partie du contrat d’apprentissage en partie à l’étranger pour favoriser les mobilités « régionales océaniques ». Et je tiens à cet instant à réaffirmer ma disponibilité à travailler avec l’ensemble des élus et des acteurs de ces territoires à l’opérationnalité des mesures du projet de loi et de l’ordonnance qu’il prévoit.

Par ailleurs, nous créons un nouveau dispositif puissant de « reconversion et promotion par l’alternance ». Baptisé « Pro A », il vise à permettre aux salariés, tout en gardant leur contrat de travail et leur rémunération, d’accéder à une formation qualifiante en alternance, soit pour une promotion interne, soit pour une reconversion.

Il permettra aussi de répondre aux besoins spécifiques des certains secteurs d’activité (notamment le secteur associatif, médico-social) et d’anticiper les reconversions liées aux mutations, tout en conservant l’emploi.
Ce dispositif est un élément clé qui s’inscrit en complément du plan de formation de l’entreprise, désormais, plan de développement des compétences, et du droit individuel, via le compte personnel de formation (CPF).

Le principe de droit individuel, introduit en 2014, était toutefois perçu comme trop formel, car ni accessible, ni à la hauteur des enjeux. C’est pourquoi, nous le transformons, par ce texte de loi, en un véritable outil d’émancipation sociale à la main des actifs, avec une protection d’une garantie collective.

Nous misons sur la transparence, et la capacité de chacun à décider pour soi  : grâce à une application dédiée, chacun, avec son CPF et sans intermédiaire, pourra comparer la qualité des formations des organismes certifiés, la satisfaction des utilisateurs, et ainsi trouver la formation appropriée, s’inscrire et payer en ligne.

Par ailleurs, les droits acquis sur le CPF seront payés en euros. Loin d’entraîner une baisse des droits à la formation pour les salariés, la monétisation est un facteur puissant de lisibilité, d’effectivité et d’équité. Les droits actuels en heures privilégient ceux qui sont déjà au plus haut niveau de qualification et qui, à nombre d’heures égales, se retrouvent à disposer d’un budget supplémentaire de formation.

Les droits augmentés seront de 500 euros pour tous, par an, et 800 euros pour les moins qualifiés, soit respectivement 5 000 et 8 000 euros sur dix ans. Par ailleurs, les personnes à mi-temps, qui sont à 80% des femmes, bénéficieront du même abondement annuel que les temps pleins.

Afin de garantir dans le temps l’actualisation régulière des droits acquis, vous avez modifié la clause de revoyure introduite à l’Assemblée Nationale, en prévoyant une revalorisation tous les trois ans sur la base d’un avis rendu par France compétences.

Par ailleurs, s’appuyer sur les nouvelles technologies pour faciliter l’accès aux droits, ne signifie pas s’exempter de tout accompagnement humain. Ainsi, tous ceux qui le souhaiteront pourront disposer d’un conseil en évolution professionnelle gratuit, et enfin financé par la mutualisation, pour les accompagner dans leurs projets professionnels, ainsi que l’ont souhaité les partenaires sociaux dans leur accord du 22 février dernier.

S’agissant de la désignation de l’opérateur du CEP, vous avez souhaité en commission attribuer cette compétence à la région et non à France Compétences, considérant que cela participait d’un processus de recentralisation auquel vous êtes opposés.

Je tiens à rappeler que l’État n’a pas pour ambition de recentraliser l’offre de conseil en évolution professionnelle. En effet, il a été constaté que les actifs occupés bénéficient peu du CEP. L’ANI du 22 février 2018, nous incite à trouver une solution pour améliorer cette situation. Les partenaires sociaux ont fait le choix d’en confier la réalisation à de nouveaux opérateurs (sans remettre en cause ceux désignés par la loi de 2014 qui garantissent un accompagnement aux demandeurs d’emploi et aux personnes en situation de handicap).

Le projet de loi a donc pris acte de cette position en confiant à France compétences, établissement à pilotage quadripartite dans lequel siègent les régions, le soin d’établir un cahier des charges national et de lancer un appel d’offre qui bien évidemment prendra en compte les particularités régionales. Je tenais à faire cette précision essentielle, mais je ne doute pas que nous aurons l’occasion d’y revenir à plusieurs reprises dans nos débats.

Nous créons aussi un compte personnel de formation de transition, repris de l’ANI du 22 février. Il permettra de compléter le CPF, pour les salariés qui veulent se reconvertir par des formations longues.
Par ailleurs, pour gérer le projet de transition professionnel, nous prévoyons la création au niveau régional de commissions paritaires interprofessionnelles dédiées à l’accompagnement des salariés. Agréées par l’État, elles seront aussi en charge de l’appréciation du caractère réel et sérieux du projet professionnel des salariés démissionnaires.

Par ailleurs, salariés démissionnaires comme indépendants bénéficieront, sous certaines conditions, du filet de sécurité de l’assurance chômage. Une personne ayant un projet professionnel – reconversion, création d’entreprise – pourra démissionner, être indemnisée par l’assurance chômage et donc disposer du temps nécessaire à la préparation de son projet. C’est un progrès majeur, que vous avez toutefois souhaité encadrer plus strictement, en montant à 7 ans la durée de cotisation au régime d’assurance chômage.
Il est pourtant essentiel d’apporter une sécurité financière supplémentaire, et d’esquisser une nouvelle protection sociale active qui sécurise les mobilités sur le marché du travail, et prenne en compte la diversité des statuts au cours d’une vie professionnelle.
C’est pourquoi, je regrette profondément la suppression, en commission, des dispositions relatives aux travailleurs des plateformes, qui s’inscrivent dans notre démarche d’universalité progressive. Dans la mesure où en France comme dans de nombreux pays, ces nouvelles formes de travail explosent, il nous paraît injuste de laisser sans protection ces travailleurs indépendants au sens où il n’y a pas de lien de subordination avec la plateforme.

Le premier acte a été accompli par la loi du 8 août 2016 ; il concerne les accidents du travail. Il convient désormais de le compléter d’une part, par des règles, pour encadrer et sécuriser les conditions de travail des travailleurs indépendants. C’est le sens des chartes opposables qui permettaient de leur garantir des conditions de travail décentes, dignes, correctes, de façon à prévenir les risques. Je pense aux horaires et à la déconnexion.

Deuxièmement, et cela a été concerté avec les plateformes, ces travailleurs doivent avoir des droits accrus à la formation. Il importe qu’ils puissent acquérir une nouvelle qualification, de manière à évoluer vers d’autres formes de travail lorsqu’ils le souhaiteront. Il s’agit de faire en sorte qu’ils ne soient pas enfermés dans cette activité.

II. Créer plus de droits pour chacun, garantis collectivement, nécessite d’amplifier leur effectivité, en levant toutes les barrières. Ainsi, l’accès du plus grand nombre à l’apprentissage repose sur un prérequis : le développement de l’offre de formation et libération de l’énergie des nombreux réseaux de qualité qui veulent s’investir davantage, mais aussi des certains secteurs ou encore d’entreprises qui veulent créer leur CFA en interne.

C’est ce qui motive la fin de l’autorisation administrative délivrée actuellement par la région pour créer ou développer un CFA. C’était un cas unique en Europe !
Et j’insiste : on ne transfère pas l’autorisation administrative des régions aux branches, on la supprime. Ainsi, pas une branche, pas une région ni même l’État ne pourront empêcher le développement de l’apprentissage si le CFA est certifié et réunit des jeunes et des entreprises.

C’est le sens de la garantie de financement introduite dans le projet de loi : tout contrat entre un jeune et l’entreprise sera financé grâce à un mécanisme de financement au contrat, dont le montant sera déterminé par les branches professionnelles, et garanti par une péréquation interprofessionnelle.

Je tiens à rappeler que le coût au contrat existe pour les contrats de professionnalisation, qui se développent sans que personne n’ait à redire. Il permet de réguler les coûts par la qualité. Or, aujourd’hui on constate que pour un même diplôme en apprentissage, il existe des différences de coût au contrat très importantes entre les régions. Parfois le financement est extrêmement bas. Comment former un jeune avec 2 500 euros par an ? Si le coût au contrat est de 6 000 euros ou 7 000 euros, il va y avoir un appel d’air dans les CFA. Et, par ailleurs, nous y reviendrons, il existera un complément à cette dotation, à la main des régions.

Pour inciter les entreprises à recruter en apprentissage, plusieurs dispositions pragmatiques sont introduites :
  Suppression de la procédure lourde d’enregistrement du contrat ;
  Adaptation pragmatique de la réglementation touchant à la durée du travail et à la rupture du contrat d’apprentissage ;
  Enfin, une seule aide qui sera directement versée aux entreprises ; au lieu de 4.

Enfin, nous nous assurons de la qualité des formations délivrées par deux leviers :
1) la certification des organismes de formation et des CFA
2) La « co-écriture » des titres et diplômes professionnels par les partenaires sociaux des branches professionnelles et par l’État. je sais que vous êtes sensibles à cet indispensable partenariat entre les professionnels et les pouvoirs publics dans la construction et la rénovation des titres et diplômes professionnels.
(MFR/APCMA…)

En matière de formation professionnelle, nous introduisons pour la première fois dans le code du travail une définition de l’action de formation, qui est souple et favorise l’innovation pédagogique et la formation à distance.
D’autre part, nous simplifions la réglementation du plan de formation, désormais intitulé, plan de développement des compétences.

Vous avez en outre réintroduit la possibilité par accord d’entreprise d’internalisation de la contribution CPF, issue de la loi de 2014. Nous y sommes défavorables, d’une part, parce que cette possibilité a été très peu utilisée par les entreprises, d’autre part, parce qu’elle va à l’encontre de la logique de personnalisation des droits CPF que nous poursuivons. Pour autant, comme vous, nous pensons que les logiques de co-construction par accord collectif, permettant à l’employeur d’abonder le CPF des salariés, sont à encourager. Le projet de loi le permet tout à fait.
Enfin, nous mettons en place des opérateurs de compétences qui remplaceront les organismes paritaires de collecte. Ils seront centrés sur le conseil et la GPEC.

En matière de gestion des contributions de l’alternance et de la formation, nous prévoyons aussi une simplification radicale :
  un collecteur : les URSSAF au lieu de 57 ;
  12 gestionnaires au lieu de 40 ;
  une cotisation au lieu de deux.

La transparence, la fin de l’évaporation de la taxe d’apprentissage, et la mutualisation systématique vont permettre de financer le développement de la formation professionnelle et de l’apprentissage, sans augmenter les prélèvements obligatoires.
Enfin, pour réguler le dispositif, au lieu de 4 organismes consultatifs et non-décisionnels dans lesquels les acteurs sont éparpillés, nous créons un établissement, que nous voulons pleinement opérationnel : France compétences. Il regroupera l’État, les régions, les partenaires sociaux, ainsi coresponsables de la régulation du système.

En ce qui concerne les demandeurs d’emploi de renouer plus rapidement avec le travail, nous expérimenterons un dispositif de « journal de bord ». Il doit permettre de rendre les démarches de candidature plus efficaces, de prévenir le découragement, et de mieux préparer les entretiens avec les conseillers.

Ce dispositif s’accompagnera d’une redéfinition de l’offre raisonnable d’emploi, qui ne reposera plus sur des critères rigides, mais sera déterminée au plus près du terrain, par le dialogue avec le conseiller, pour tenir compte de la situation individuelle de chaque personne et des caractéristiques du marché du travail local.
En parallèle, nous mettrons une politique de contrôle plus juste et plus efficace, avec un barème de sanctions équitable et la simplification du prononcé des sanctions.
Vous avez ainsi en commission renforcé les droits à l’information des demandeurs d’emploi, s’agissant notamment de la radiation, tout en durcissant leurs devoirs dans le cadre du projet personnalité d’accès à l’emploi, pour prendre en compte les difficultés de recrutement de certains secteurs.

Enfin, le projet de loi précise le rôle de l’État dans la détermination des règles d’indemnisation du chômage, afin de faciliter l’adaptation du régime d’assurance chômage aux évolutions du marché du travail, tout en préservant le rôle central des partenaires sociaux. Vous avez d’ailleurs précisé la place du Parlement dans le pilotage de l’assurance chômage en prévoyant la communication du document de cadrage de la négociation de la convention d’assurance chômage.

III. La création de nouveaux droits doit être au service de l’égalité réelle des chances.

Nous veillerons à offrir un accès du plus grand nombre à l’apprentissage partout sur le territoire national. Nous prévoyons ainsi à la présence de référents handicap dans chaque CFA pour accompagner les jeunes, avec une majoration.
Nous accorderons également une attention particulière aux zones rurales et aux quartiers prioritaires de la politique de la ville, et aux outre-mer.

D’une part, nous voulons avec mon collègue, Jean-Michel Blanquer, que tous les lycées professionnels puissent ouvrir des sections d’apprentissage, à commencer par les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
En outre, une enveloppe de 250 millions d’euros dédiée à l’aménagement du territoire sera accordée aux régions. Elle aura vocation à compléter dans les zones rurales et dans les QPV le coût au contrat, dont nous considérons que les éléments constitutifs ne relèvent pas du niveau législatif.

Enfin, je tiens à rappeler que les régions resteront également le principal investisseur en matière d’apprentissage. Elles conservent ainsi leur fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), dont les recettes sont dynamiques. Elles pourront ainsi influencer fortement la localisation des CFA, mutualiser les plateaux techniques avec les lycées professionnels, et établir des contrats d’objectifs et de moyens avec les branches.

C’est aussi le sens de l’élaboration par les régions d’une stratégie pluriannuelle des formations en alternance que vous avez introduite en commission, mais dont le caractère prescriptif interroge au regard de son articulation avec les autres dispositions du projet de loi alors que nous souhaitons développer une culture du partenariat entre les différents acteurs sur la base d’un diagnostic partagé.

L’égalité des chances passe par la mutualisation du système de formation, qui permettra notamment de rééquilibrer l’écart dans l’accès aux compétences, des salariés peu qualifiés, notamment dans les TPE-PME. Une majoration de l’abondement annuel du CPF des salariés en situation de handicap est également prévue.

Cette disposition s’inscrit dans notre vision d’une société plus inclusive. Nous devons mobiliser tous les dispositifs de droit commun et faire en sorte que l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés soit le vrai levier pour l’emploi direct des personnes handicapées. Grâce à ces mesures, je suis persuadée, que nous allons changer d’échelle en la matière et donner tout leur sens à nos valeurs républicaines de liberté, d’égalité et de fraternité.

C’est le sens des mesures qui ont été introduites dans le projet de loi. Elles résultent d’une concertation avec les partenaires sociaux et les associations, que nous avons menée avec ma collègue Sophie Cluzel, Secrétaire d’Etat chargée du handicap.

Ces mesures s’appuient également sur la mission de votre collègue député Adrien Taquet, ainsi que celle de Dominique Gillot, Présidente de la CNDPH.
Toutefois, sans présager de la discussion sur les amendements à venir concernant les entreprises adaptées, je ne peux que regretter que vous ayez préféré différer l’entrée en vigueur des dispositions résultant de la deuxième phase de concertation, en supprimant l’habilitation à légiférer par ordonnances sur le financement de l’insertion et du maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés.
Rétablir l’égalité des chances, c’est aussi agir efficacement et résolument en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Conformément à ce que le Gouvernement avait annoncé dès le 7 mars, le projet de loi comporte des avancées majeures, issu d’une intense concertation avec les partenaires sociaux, sur la lutte contre les violences sexistes et sexuelles et sur l’égalité professionnelle. Ces mesures s’inscrivent dans l’engagement présidentiel de faire de l’égalité entre les femmes et les hommes, la grande cause du quinquennat.

Ainsi nous passons d’une obligation de moyens à une obligation de résultat quant à l’égalité salariale à travail de valeur égale.
o J’ai d’ailleurs confié une mission à Sylvie Leyre, DRH France de Schneider Electric pour en définir la méthodologie.
• S’agissant de la prévention du harcèlement, vous avez adopté des mesures de formation, de sensibilisation et responsabilité de l’ensemble des acteurs.

Établir l’égalité des chances, c’est évidemment lutter contre le travail précaire, que subissent là aussi un grand nombre de femmes. A cette fin, nous avons donné aux partenaires sociaux des branches professionnelles, le soin de négocier des objectifs de réduction du nombre de contrats précaires. Aussi je regrette profondément la suppression de l’article 29, qui permettait de mettre en place par décret en Conseil d’Etat, un système de bonus-malus, dont l’Assemblée Nationale avait précisé qu’il pouvait prendre en considération le secteur d’activité pour la modulation du taux des contributions patronales d’assurance chômage ; et s’agissant du secteur de l’intérim, imputer les missions d’intérim aux entreprises utilisatrices, pour les responsabiliser dans la lutte contre la précarité excessive.

C’est enfin parce qu’elle constitue un outil efficace contre la précarisation des travailleurs, que le Gouvernement vous proposera de pérenniser l’expérimentation, initiée en 2015, du contrat de travail à durée indéterminée intérimaire. Les acteurs du secteur en ont fait une utilisation importante qui a permis une intégration durable dans l’emploi de travailleurs temporaires.

Notre objectif à tous est de développer l’emploi durable, et de qualité. Comme plusieurs d’entre vous l’ont recommandé, la lutte contre le travail précaire réclame d’adopter une réforme globale et cohérente de notre système d’assurance chômage, qui incite trop souvent employeurs et demandeurs d’emploi à multiplier les contrats courts. Ceci réclame également d’impliquer les partenaires sociaux dans la refonte des règles du système qui favorisent la précarité. Pour cette raison, le gouvernement vous proposera d’introduire dans le titre II du projet de loi un amendement permettant aux partenaires sociaux d’ouvrir une négociation dès septembre, dans le nouveau cadre de gouvernance permis par l’article 32 du projet de loi.


Mesdames, Messieurs les Sénateurs,

De tous les actes, le plus complet est celui de construire, écrivait Paul Valery.

Il est un acte encore plus complet me semble-t-il. Celui de donner à chacun, notamment aux plus vulnérables, les moyens de construire librement leur propre voie de réussite professionnelle, avec des protections collectives, c’est-à-dire de choisir l’espace dans lequel ils pourront avoir davantage confiance en eux, pour oser s’engager dans des projets, exprimer tout leur talent, le transmettre et contribuer ainsi à la société toute entière.
Investir dans leur potentiel parce que nous croyons et avons confiance en eux, c’est que vous propose ce projet de loi.

Cette confiance dans les acteurs de terrain, les entreprises, les actifs, je sais que nous l’avons partagée pendant nos discussions sur les ordonnances.

Il nous faut aujourd’hui lui donner un second souffle pour remporter la bataille mondiale des compétences, gage de performance économique et de progrès social collectif, et d’attractivité de nos territoires.

Mobilisons-nous donc pour créer cet espace d’émancipation sociale par le travail, en ouvrant largement, par ce projet de loi, le champ des possibles.