La mise à la retraite d’un salarié

Lorsque le salarié atteint un âge déterminé, en principe fixé à 67 ans, l’employeur peut prendre l’initiative de rompre son contrat de travail dans le cadre d’une mise à la retraite, sans que cette rupture ne soit constitutive d’un licenciement. Jusqu’à ses 70 ans, une procédure est toutefois prévue afin de permettre au salarié qui le souhaite de s’opposer à sa mise à la retraite.

La mise à la retraite donne lieu au versement d’une indemnité au moins égale au montant de l’indemnité légale de licenciement.

Si les conditions de mise à la retraite ne sont pas réunies, la rupture du contrat de travail par l’employeur constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

À savoir !
La mise à la retraite du salarié est un mode de rupture du contrat de travail dont l’initiative revient à l’employeur, à la différence du départ volontaire à la retraite qui s’effectue à l’initiative du salarié et qui relève de dispositions particulières.

A partir de quel âge la mise à la retraite est-elle envisageable ?

Avant un certain âge, la mise à la retraite est impossible

Un employeur ne peut pas prononcer la mise à la retraite d’un salarié avant l’âge de 67 ans. Par dérogation toutefois, dans des situations particulières de préretraite mentionnées à l’article L. 1237-5 du code du travail, une mise à la retraite d’un salarié pouvant bénéficier d’une retraite à taux plein est possible avant 67 ans et au plus tôt à l’âge d’ouverture du droit à la retraite.

  • Le fait pour un salarié d’atteindre un certain âge ou de pouvoir prétendre à une pension de vieillesse (une « retraite ») ne peut entraîner la rupture automatique de son contrat de travail. Toute disposition conventionnelle ou clause du contrat de travail (communément appelée « clause couperet ») contraire est nulle. Comme le précise la Cour de cassation dans un arrêt du 6 novembre 1998, dans la mesure où cette disposition n’a été édictée que dans un souci de protection du salarié, l’employeur est irrecevable à s’en prévaloir.
  • L’autorisation préalable de l’inspecteur du travail est requise lorsque la mise à la retraite concerne un salarié protégé (par exemple, un délégué syndical ou un membre de la délégation du personnel du comité social et économique - CSE -), quel que soit son âge. Dans ce cas, l’employeur est également tenu au respect d’une procédure particulière, dont on trouvera le détail dans le guide mis en ligne sur notre site, notamment ses pages 109 et 110.

Une mise à la retraite avec l’accord du salarié

La mise à la retraite d’un salarié est possible, avec son accord, à partir de 67 ans, c’est-à-dire l’âge de la retraite à taux plein quel que soit le nombre de trimestres d’assurance vieillesse.

S’il souhaite mettre le salarié à la retraite, l’employeur doit respecter une procédure précise. Trois mois avant le jour où le salarié remplit la condition d’âge mentionnée ci-dessus, puis chaque année jusqu’aux 69 ans, il doit interroger le salarié, par écrit, sur son éventuelle intention de quitter volontairement l’entreprise pour bénéficier d’une pension de vieillesse.

Bien que la loi ne le précise pas, et pour éviter toute difficulté, l’employeur a intérêt à formuler cette demande écrite par lettre recommandée avec avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge.

Si le salarié répond favorablement, l’employeur pourra procéder à la mise à la retraite du salarié.

En cas de réponse négative du salarié dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle l’employeur l’a interrogé sur ses intentions, ou à défaut d’avoir respecté les formalités requises, l’employeur ne peut procéder à la mise à la retraite de ce salarié pendant l’année qui suit. S’il le souhaite, il pourra réitérer sa demande l’année suivante, en respectant la même procédure (demande dans le délai de 3 mois avant la prochaine date anniversaire du salarié). Ainsi, si le salarié souhaite continuer de travailler au-delà de ses 67 ans, par exemple pour améliorer ses droits à retraite, il pourra le faire jusqu’à ses 70 ans, âge auquel l’employeur retrouvera la possibilité de le mettre à la retraite, sans qu’il ne puisse s’y opposer (voir ci-dessous).

Rupture abusive

  • Si les conditions de la mise à la retraite ne sont pas réunies, la rupture du contrat constitue un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (licenciement abusif), voire même un licenciement nul, car discriminatoire, s’il est motivé par l’âge du salarié (sur les conséquences, notamment les indemnités à verser au salarié, on se reportera aux informations figurant sur notre site).
  • Comme le précise la Cour de cassation dans un arrêt du 27 janvier 2009, « au cours des périodes de suspension consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l’employeur ne peut résilier le contrat de travail à durée indéterminée que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de l’impossibilité où il se trouve, pour un motif non lié à l’accident ou à la maladie, de maintenir ledit contrat, toute résiliation du contrat de travail prononcée en méconnaissance de ces dispositions étant nulle […] ; il en résulte qu’au cours des périodes de suspension consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle, une mise à la retraite décidée par l’employeur est nulle ».

A partir de 70 ans

L’employeur peut prendre la décision de mettre d’office un salarié à la retraite dés lors que celui-ci a au moins 70 ans, sans possibilité pour le salarié de s’y opposer.

Comme le précise la Cour de cassation dans un arrêt du 17 avril 2019, lorsque le salarié avait atteint, au moment de son embauche, l’âge permettant à l’employeur de le mettre à la retraite sans son accord (c’est-à-dire 70 ans), son âge ne peut constituer un motif permettant à l’employeur de mettre fin au contrat de travail. Dans une telle situation, l’employeur ne peut donc procéder à une mise à la retraite d’office pour mettre fin au contrat de travail.

Quelle est la procédure ?

Sous réserve de la procédure d’interrogation du salarié de moins de 70 ans mentionnée ci-dessus, le code du travail n’impose aucune procédure particulière pour une mise à la retraite à l’initiative de l’employeur. Cette mise à la retraite ne constituant pas un licenciement, il n’y a donc lieu ni à convocation à un entretien préalable, ni à notification de la mise à la retraite par lettre recommandée. Toutefois, dans un souci de prévenir tout litige sur ce point, il est conseillé de notifier la mise à la retraite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. L’employeur doit également se référer aux dispositions de la convention collective ou du contrat de travail, qui peuvent lui imposer le respect d’une procédure particulière (entretien, délai de prévenance, notification de la décision, etc.).

Quels sont les droits du salarié ?

Qu’il s’agisse d’une mise à la retraite d’office à partir de 70 ans ou d’une mise à la retraite, avant cet âge, avec l’accord du salarié (voir ci-dessus), les droits du salarié sont identiques.

Le préavis

L’employeur doit respecter un préavis dont la durée légale est égale à 1 mois si le salarié a une ancienneté dans l’entreprise comprise entre 6 mois et moins de 2 ans et de 2 mois pour une ancienneté d’au moins 2 ans. Pour une ancienneté inférieure à 6 mois, la durée du préavis est déterminée par la loi, la convention ou l’accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession.

La convention collective applicable dans l’entreprise ou le contrat de travail peuvent prévoir un préavis de mise à la retraite plus favorable pour le salarié, c’est-à-dire un préavis plus long. A défaut de disposition spécifique prévue par la convention collective en cas de mise à la retraite, c’est, lorsqu’il existe, le préavis conventionnel de licenciement qui s’applique, dès lors qu’il est plus favorable pour le salarié que le préavis légal.

L’indemnité de mise à la retraite

La mise à la retraite donne droit à une indemnité au moins égale au montant de l’indemnité légale de licenciement. Si la convention collective applicable dans l’entreprise ou le contrat de travail prévoit une indemnité de mise à la retraite d’un montant supérieur, c’est elle qui sera versée (pas de cumul entre les différentes indemnités).

Indépendamment des éléments de rémunération qui lui restent dus (salaire, paiement d’heures supplémentaires ou complémentaires, etc.), le salarié a également droit, le cas échéant, à l’occasion de la rupture de son contrat de travail dans le cadre d’une mise à la retraite :
 

  • A une indemnité compensatrice de congés payés, correspondant aux congés non pris ;
  • A une indemnité compensatrice de préavis, lorsque l’employeur prend l’initiative de le dispenser de préavis (sur le préavis, voir ci-dessus) ;
  • Au versement des droits acquis au titre de l’intéressement, de la participation, des dispositifs d’épargne salariale et du compte épargne-temps.

Chaque salarié ne peut bénéficier que d’une seule indemnité de mise à la retraite ; l’indemnité est attribuée lors de la première liquidation complète de la retraite.

Lorsque la mise à la retraite par l’employeur est prononcée dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), le salarié ne peut prétendre à l’indemnité de licenciement prévue par l’accord collectif applicable dans l’entreprise que si le plan de sauvegarde de l’emploi le prévoit expressément (arrêt de la cour de cassation du 18 mars 2008).

L’indemnité légale de mise à la retraite ne peut être inférieure aux montants suivants :

  1. Un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans ;
  2. Un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans.

Exemple

Pour un salaire de référence de 2 500 euros et une ancienneté de 12 ans, l’indemnité due est :
 

  • Au titre de l’ancienneté jusqu’à 10 ans :
    2 500 € : 4 = 625 €
    625 € x 10 ans = 6 250 €
  • Au titre de l’ancienneté au-delà de 10 ans :
    2 500 € : 3 = 833,33 €
    833,33 € x 2 ans = 1 666,66 €

Soit une indemnité de licenciement d’un montant total de 7 916,66 € (6 250 € + 1 666,66 €)

Le salaire à prendre en considération pour son calcul est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
 

  • Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant la mise à la retraite, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l’ensemble des mois précédant la mise à la retraite ;
  • Soit le tiers des 3 derniers mois de rémunération brute précédant la mise à la retraite ; les primes de caractère annuel ou exceptionnel, versées au salarié durant cette période, ne sont alors prises en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion.

Les indemnités consécutives à la rupture du contrat de travail, par exemple l’indemnité de mise à la retraite, doivent être calculées sur la base de la rémunération que le salarié aurait dû percevoir (par exemple, une rémunération intégrant le rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires non payées) et non sur celle de la rémunération qu’il a effectivement perçue du fait des manquements de l’employeur à ses obligations. Ce principe résulte d’un arrêt de la Cour de cassation du 15 mars 2023 auquel on se reportera.

L’indemnité de mise à la retraite n’est soumise à cotisations sociales et à imposition fiscale que si elle dépasse un certain plafond ; sur cette question, on peut se reporter, pour le régime social, aux précisions diffusées sur le site de l’Urssaf et, pour le régime fiscal, aux informations diffusées sur le site officiel des impôts.

Documents à remettre au salarié

A l’occasion de la rupture du contrat de travail, y compris dans le cadre d’une mise à la retraite, l’employeur doit remettre au salarié un certain nombre de documents : certificat de travail, solde de tout compte, attestation pour faire valoir ses droits aux allocations chômage (dite « attestation France Travail » ou « attestation Pôle emploi » – France Travail, nouvel opérateur du service public de l’emploi, remplace Pôle emploi depuis le 1er janvier 2024), etc.

Quelles sont les obligations de l’employeur ?

Une déclaration annuelle obligatoire

Tout employeur est tenu d’adresser à l’organisme chargé du recouvrement des cotisations et contributions sociales dont il relève (l’Urssaf), au plus tard le 31 janvier de chaque année, une déclaration indiquant le nombre de salariés partis en préretraite ou placés en cessation anticipée d’activité au cours de l’année civile précédente, leur âge et le montant de l’avantage qui leur est alloué. Cette déclaration indique également le nombre de mises à la retraite d’office et le nombre de salariés âgés de 55 ans et plus licenciés (quel que soit le motif) ou ayant bénéficié de la rupture conventionnelle au cours de l’année civile précédant la déclaration.

L’obligation de déclaration ne s’applique qu’aux employeurs dont au moins un salarié ou assimilé est parti en préretraite ou a été placé en cessation anticipée d’activité ou a été mis en retraite à l’initiative de l’employeur au cours de l’année civile précédente ainsi qu’aux employeurs dont au moins un salarié âgé de 55 ans ou plus a été licencié ou a bénéficié de la rupture conventionnelle au cours de l’année civile précédente.

Le défaut de production, dans les délais prescrits, de cette déclaration entraîne une pénalité, recouvrée par l’Urssaf, d’un montant égal à 600 fois le taux horaire du SMIC, soit 6 990 euros compte tenu de la valeur du SMIC au 1er janvier 2024 (11,65 €).

La déclaration est intégrée à la DSN (déclaration sociale nominative).

Une contribution à verser à l’Urssaf

L’article L. 137-12 du code de la Sécurité sociale met à la charge de l’employeur, au profit de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), une contribution sur les indemnités versées en cas de mise à la retraite d’un salarié à l’initiative de l’employeur, pour la part exclue de l’assiette des cotisations de sécurité sociale. Le taux de cette contribution est fixé à 30 %. Sur ce point, on peut se reporter à la circulaire n° DSS/5B/2008/66 du 25 février 2008 citée en référence.

L’information du service de prévention et de santé au travail

Les travailleurs bénéficiant du dispositif de suivi individuel renforcé du fait de leur exposition à un ou plusieurs risques particuliers, ou qui ont bénéficié d’un tel suivi au cours de leur carrière professionnelle, sont examinés par le médecin du travail au cours d’une visite médicale avant leur départ ou leur mise à la retraite. A l’issue de cette visite, s’il constate une exposition du travailleur à certains risques dangereux, le médecin du travail met en place une surveillance post-professionnelle, en lien avec le médecin traitant et le médecin conseil des organismes de sécurité sociale.

Pour l’organisation de cette visite médicale de fin de carrière, l’employeur informe son service de prévention et de santé au travail de la mise à la retraite du salarié. Il avise sans délai le travailleur concerné de la transmission de cette information (plus de précisions sur notre site).